Insécurité : Le Tchad à la croisée des chemins - BBC News Afrique (2024)

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Accalmie apparente de l'action des groupes armés, luttes de positionnements entre les armées occidentales et orientales, ralentissem*nt des interventions militaires tchadiennes à l'étranger, le tchad s'apprête à organiser une élection décisive pour le futur du pays.

C’est dans une atmosphère relativement calme que le Tchad prépare l’élection présidentielle qui se tiendra le lundi 6 mai 2024. Ce pays qui a toujours été en guerre, contre le terrorisme, avec notamment Boko Haram, ou contre des cohortes de rebelles, est à la croisée des chemins sur le plan sécuritaire.

La baisse du nombre des attaques au Tchad et dans la région ces derniers temps est due au fait que les deux groupes armés qui y sévissent sont en conflit. Selon les experts de International Crisis Group, Boko Haram et l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) se sont infligés plus de dégâts que les Etats de Lac Tchad ne leur ont infligés ces deux dernières années.

Selon les informations, le conflit entre les deux groupes armés découle de leur divergence de système de traitement des civils lors de leurs opérations.

Boko Haram tue et pille alors que l’EIAO épargne au moins les civils musulmans. A la mort de Abubakar Shekau, des membres de Boko Haram se sont rendus aux autorités, d’autres ont rejoint l’Etat islamique, explique International Crisis Group dans son rapport publié fin mars dernier.

Malgré le décès de son chef, Boko Haram a continué son offensive, s’emparant de la plupart des Îles du Lac Tchad jusque-là occupées par l’EIAO. Cette guerre entre jihadistes reste à l’avantage de Boko Haram qui gagne du terrain au détriment de l’EIAO. Les deux groupes s’infligent d’énormes dégâts, puisque le premier refuse de se soumettre aux règles établies par le second.

Pour les experts de International Crisis Group, ces conflits intra-jihadistes ne doit pas donner de faux espoir de victoire aux Etats de Lac Tchad. Car ces groupes peuvent reprendre les attaques à tout moment et mettre sérieusem*nt en péril la sécurité de ces pays.

Les groupes rebelles ; poursuit International Crisis Group, commandent encore des milliers de combattants, ce qui représente une grande menace pour la région et le Tchad. L’EIAO tente de se déployer dans d’autres régions du Nord-Est du Nigeria alors que Boko Haram s’attaque aux civils autour du Lac Tchad.

Les experts demandent surtout aux gouvernements de ces pays d’intensifier les opérations militaires, d’améliorer les services auprès des populations et d’accroître l’aide humanitaire et soutenir également les transfuges jihadistes.

Mais toutes ces actions ne peuvent se faire sans l’aide extérieure venant notamment des partenaires internationaux qui, eux aussi, se livrent à une guerre froide pour conserver leur suprématie sur le Tchad.

La prochaine élection présidentielle permettra au pays de mettre fin à trois années de transition dirigée par Mahamat Idriss Deby, lui-même candidat.

Mais la lutte contre le terrorisme reste le plus grand défi auquel est confronté ces dernières années ce pays situé au cœur de l’Afrique centrale, le deuxième pays le plus peuplé de la CEMAC (derrière le Cameroun), avec une population de 17,5 millions d’habitants.

La situation sécuritaire, quoiqu’on dise, est toujours précaire au Tchad, surtout dans cette région qu’il forme avec ses voisins que sont le Cameroun, le Nigeria et le Niger. Pour mener une lutte efficace contre le jihadisme, ces pays ont mis en place la force multinationale mixte (FMM).

L’armée tchadienne et sa lutte pour la sécurisation de son territoire et de la zone Sahélo-saharienne

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Les Forces armées tchadiennes (FAT), devenue Forces armées nationales tchadiennes (FANT) en 1982, figurent parmi les armées les plus puissantes du continent. C’est une armée qui a été fondée à la suite de l’indépendance. Elle est constituée d’une force terrestre, d’une gendarmerie et d’une force aérienne.

Selon le rapport d'International Crisis Group de 2021, l’armée tchadienne était composée de 40 000 à 65 000 soldats. Cette armée a un budget qui pèse en 2020 entre 30 et 40 % du budget national, soit 3,1 % du PNB, avec un nombre de soldats par habitant très élevé, faisant du Tchad un des pays les plus militarisés d’Afrique.

L’armée tchadienne est souvent sollicitée par ses voisins et des partenaires internationaux. Elle joue un rôle primordial dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel.

Le Tchad, avec son armée, est presque présent dans toutes les luttes contre le terrorisme dans la zone Sahélo-saharienne. On le retrouve dans la mission de l’ONU au Mali, au sein de l’opération française Barkhane.

Le pays est également un pilier de la force G5-Sahel aux côtés de la Mauritanie, et autre fois, du Mali, du Burkina Faso et du Niger qui ont récemment quitté l'organisation.

Avec le départ de l’armée française du Sahel, l’armée tchadienne assure la force alternative. L’expérience des guerres de cette armée l’amène à mener une lutte acharnée dans la protection des Etats contre la secte Boko Haram, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) et Al Qaïda.

Le Tchad et la FMM

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Avec cette expérience et sa présence sur divers front, l’armée tchadienne a acquis une certaine notoriété en étant aguerrie au combat et à même de relever des défis sécuritaires.

Le Tchad est l’acteur principal de la Force multinationale mixte (FMM) qu’il a mise sur pied avec le Cameroun, le Nigeria et le Niger pour combattre Boko Haram. La FMM est un cadre stratégique institué par la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT) et le Bénin.

Au sein de cette force, c’est l’armée tchadienne qui apporte le deuxième plus grand effectif (3 000 hommes), derrière le Nigeria, pour la lutte contre Boko Haram.

La montée en puissance de Boko Haram a fait décider les Etats de la CBLT et le Bénin à mettre sur pied cette force afin d’apporter une réponse énergique aux attaques de la secte.

Comme toutes les coalitions en Afrique, la Force multinationale mixte connait aussi des difficultés dans sa phase opérationnelle. Ces difficultés dans la lutte contre Boko Haram sont liées au problème de financement, aux réticences du Nigeria à laisser à la force la liberté d’action sur son territoire et aux difficultés de coordination et de liaison entre la FMM et les unités nationales.

Une lutte continuelle contre l’insécurité au Tchad

L’armée tchadienne, bien qu’actrice principale dans le dispositif international de lutte contre le terrorisme dans la région, constitue en même une source d’instabilité pour le pays, selon de nombreux experts.

Pour ces experts, cette armée souffre de l'absence de cohésion, due au manque de représentativité régionale et ethnique en son sein. La situation amène parfois des soldats à refuser de combattre les rebelles qui tentent régulièrement des incursions sur le territoire, mettant à mal la sécurité dans le pays.

Des voix s’élèvent pour demander la professionnalisation de l’armée tchadienne, en mettant fin aux mécontentements dans les rangs des soldats et en améliorant la représentativité, afin qu’elle soit à même de lutter efficacement Contre les conflits sur le territoire et contrer les attaques terroristes.

Une insécurité interne qui a coûté la vie au président Idriss Deby Itno

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A l’intérieur du pays, les rebelles ont toujours mené des offensives contre le régime de Deby père. Pour contrer ces offensives, l'ancien dirigeant, Idriss Deby avait lui-même pour habitude de descendre sur le terrain en prenant la tête du commandement de son armée.

C’est lors de l’une de ces descentes en avril 2021 contre les rebelles au Nord du pays qu’il a été mortellement blessé. Il a malheureusem*nt a succombé à ses blessures le 20 avril 2021, après avoir passé 30 ans au pouvoir.

Ce décès du président tchadien n’avait pas émoussé les ardeurs des rebelles. Puisque ces derniers ont rejeté son remplacement par son fils, Mahamat Idriss Deby qui dirige le Conseil militaire de transition depuis 3 ans. Ces rebelles ont toujours menacé de marcher sur N’Djamena.

L’armée, quant à elle, avait affirmé qu’elle a tué au moins 300 combattants dans les rangs des rebelles. Mais cela n’arrête pas ce groupe très engagé sur le territoire et qui menace toujours la sécurité dans le pays.

Un autre front

En dehors de ces difficultés internes, au Tchad, on note une lutte acharnée contre les incursions et attaques de Boko Haram et de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) dans la région.

En 2020, une centaine de soldats tchadiens avaient été tués la nuit par Boko Haram. L’attaque était dirigée contre une base de l’armée tchadienne dans la Presqu’Île de Bohoma dans la Province du Lac. Cette attaque avait amené Idriss Deby Itno à lancer une offensive contre les terroristes dans cette région.

En novembre 2022, une attaque de Boko Haram contre l’armée tchadienne a fait une dizaine de morts et de blessés dans le Lac Tchad. Cette attaque avait fait réagir le président de la Transition, Mahamat Idriss Deby qui a souligné que la crise créée par Boko Haram dans le Lac Tchad est « un défi sécuritaire majeur » qui mérite « des pistes de solutions notamment pour mieux faire face à la nébuleuse ».

Il avait renouvelé l’engagement du pays à « mettre hors d’état de nuire le terrorisme au Tchad et dans la sous-région ».

L’armée tchadienne a souvent été la cible de la nébuleuse qu’est Boko Haram, jusqu’à l’accalmie qu’on observe aujourd’hui.

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Le Tchad, l’occident et la Russie

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Les Etats-Unis et la France sont des partenaires traditionnels du Tchad. Ce partenariat date des années 60 pour la France et 70 pour les Etats-Unis.

Dès les premières crises des conflits tchadiens, la France s’était pointée. C’est ainsi qu’en 1966, face à une rébellion active et dangereuse qui occupait la moitié du territoire, le président Tombalbaye a fait appel aux Français.

Les Etats-Unis, eux, sont intervenus au moment de l’agression libyenne contre le Tchad. Face à cette menace, les Américains ont débloqué une aide militaire en faveur du président Hissen Habré. Ils ont ensuite exercé des pressions sur les alliés africains de la France pour être fermes à l’égard de Tripoli.

Ce que daucuns qualifient d'’ambiguïté de la politique occidentale au Tchad, notamment de la France, a provoqué un certain sursaut chez les Tchadiens qui veulent aujourd’hui multiplier les partenariats pour assurer la sécurité de son territoire. Cela coïncide avec une période où l’influence russe se développe dans le Sahel.

Le Tchad, comme son voisin le Niger, se rapproche aujourd’hui plus de la Russie. Le fait le plus récent, c'est l'arrivée à Ndjaména, le 26 avril, quelques 130 militaires russes. Selon des médias locaux, ces hommes « sont des membres de l’ancien groupe paramilitaire Wagner, rebaptisé Africa Corp ».

Quelques jours avant ce débarquement, les autorités du pays ont annoncé le retrait de 75 entraîneurs militaires américains. Les troupes françaises sont également en train de quitter le pays. Les autorités militaires du Tchad ainsi que celle du Niger avaient déjà fait part de leur intention de suspendre leur coopération militaire avec la France et les Etats-Unis.

L’arrivée de ces 130 militaires russes à N’Djamena intervient alorsqu'en janvier dernier, le président de la Transition, Mahamat Idriss Deby a lui-même effectué un déplacement à Moscou où il a eu un tête-à-tête avec le président Vladimir Poutine.

Il a dit à son hôte qu’il était arrivé « en tant que pays ami, un pays frère et souverain » qui cherche à « renforcer ses relations avec un pays ami », Mahamat Deby a reçu l’assurance de Poutine qui lui a promis l’aider à « stabiliser la situation » au Tchad.

La situation sécuritaire est encore très précaire au Tchad. Les deux groupes terroristes qui sévissent dans la région peuvent à tout moment reprendre les attaques.

Les autorités tchadiennes, comme l’affirment de nombreux observateurs, veulent s’appuyer sur la Russie pour cette lutte contre le terrorisme, comme le font déjà les autres pays du Sahel qui ont à leur tête des juntes.

Quant à la Russie, elle s’est fixée depuis quelques années comme objectif de regagner son influence sur le continent africain, ce qu’elle avait perdu depuis la chute de l’URSS. Moscou a donc ciblé le Sahel pour être un concurrent sérieux pour l’occident, notamment la France.

Election présidentielle dans un contexte de tension

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Après la mort de Déby père, le Conseil militaire de la transition dirigé par son fils Mahamat Idriss Deby avait promis des « élections libres et démocratiques » à l’issue d’une période de transition qui devait initialement durer 18 mois. Finalement, c’est 3 ans après que cette élection présidentielle est organisée, dans un Tchad sous tension.

En février dernier, C’était dans ce contexte de tension perceptible dans le pays que les locaux des services de renseignement à N’Djamena ont été attaqués. Le gouvernement avait accusé l’opposant Yaya Dillo d’en être l’auteur. La riposte de l’armée au siège du PSF, le parti de Dillo, a coûté la vie à ce dernier.

Yaya Dillo avait manifesté son intention de participer à l’élection présidentielle dont Mahamat Idriss Deby est candidat aujourd’hui.

En dehors de ces faits, on note également la protestation des candidats recalés, notamment les deux opposants principaux Nassour Ibrahim Neguy Koursami et Rakhis Ahmat Saleh qui continuent de dénoncer les irrégularités qui entachent le processus électoral.

A côté, ce sont des syndicats et autres associations de défense des droits de l’homme dans le pays qui fustigent la situation de précarité que traversent les populations, avec l’absence d’électricité et d’eau potable, en plus de la misère qui y sévit.

C’est dans ce contexte que les Tchadiens sont appelés aux urnes lundi prochain pour élire parmi 10 candidats dont Mahamat Idriss Deby et son Premier ministre Succès Mastra, leur président de la République.