À quatre jours du premier tour des législatives en France, les candidats des trois principaux blocs politiques ont dramatisé l’enjeu et débattu d’un hypothétique barrage contre l’extrême droite, plus que jamais favorite.
Le Rassemblement national (RN) et ses alliés sont crédités de 36% des intentions de vote, devant le Nouveau Front populaire (NFP), coalition des forces de gauche (28,5%) et l’alliance de centre-droit autour de la majorité sortante (21%) du président Emmanuel Macron.
Le scrutin a lieu dimanche, avec un second tour le 7juillet. La mobilisation s’annonce forte, avec 60 à 64% de participation attendue, plus qu’en 2022 (47,8%) ou qu’aux européennes le 9juin (51,49%) et complique les pronostics.
Déjà 250000 Français résidant à l’étranger ont voté en ligne en 24heures, autant qu’en cinq jours lors des législatives de 2022.
Face au séisme que constituerait l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France, quelque 200 personnalités ont appelé les autres partis à «afficher clairement dès maintenant» un accord de désistement en vue du second tour.
Le camp présidentiel privilégie jusqu’à présent une ligne «ni extrême droite, ni extrême gauche» avant qu’Emmanuel Macron ne tranche.
Repoussoir
La cheffe des Écologistes Marine Tondelier (NFP) leur a proposé une rencontre avec les macronistes pour tenter de les convaincre d’accepter un «désistement républicain».
La question du RN taraude aussi la communauté juive de France. «On ne vote pas pour l’extrême droite, voilà!», a lancé une rescapée d’Auschwitz Denise Toros-Marter disant son «incompréhension» face à la position du chasseur de nazis Serge Klarsfeld, qui en cas de duel entre un candidat RN ou de la gauche radicale La France insoumise, a dit qu’il voterait sans «hésitation» pour le RN. «Je suis perplexe, il tombe dans le piège», a-t-elle jugé.
De son côté, le leader de la France insoumise a demandé mercredi soir à ses électeurs de ne pas voter RN au second tour là où les candidats de gauche ne seront plus présents.
«Nous leur dirons que personne n’a à faire cette bêtise, quel que soit son motif», a déclaré M.Mélenchon, qui fait lui-même figure de repoussoir, y compris à gauche.
«Aujourd’hui dans toute la gauche, il a été convenu qu’il [Jean-Luc Mélenchon] ne pouvait plus être celui qui devait diriger», a d’ailleurs déclaré l’ancien président socialiste François Hollande, candidat NFP.
Le leader de droite Éric Ciotti (LR, droite), qui s’est allié au RN, compte pour sa part récupérer des députés de droite au second tour si son bloc n’obtient pas la majorité absolue.
«Je n’imagine pas que certains de mes amis rejoignent une coalition qui comprendrait des communistes, des socialistes et les amis de madame Sandrine Rousseau», a affirmé celui que la direction de LR tente d’exclure de la présidence du parti depuis son alliance avec le RN.
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Dramatisation
Au lendemain d’un débat télévisé suivi par environ 5millions de spectateurs, le climat de cette campagne éclair s’est encore tendu mercredi.
La dirigeante historique du RN, Marine Le Pen, a accusé la gauche de vouloir contester «dans la rue» sa victoire annoncée: «L’extrême gauche depuis toujours agit par la violence», a-t-elle lancé.
Lors du débat télévisé, Jordan Bardella, 28ans, pressenti au poste de premier ministre en cas de victoire du RN, s’est illustré par la confiance dans la victoire de son camp.
Il était opposé au premier ministre Gabriel Attal, 35ans et Manuel Bompard, 38ans, représentant de l’alliance de gauche.
Chacun a dramatisé l’enjeu.
«Dans quelques jours, vous êtes appelés aux urnes pour un choix historique», a lancé le chef du RN.
Le représentant de la gauche Manuel Bompard a, lui, appelé à «empêcher que la peur devienne une réalité et faire que la France ne s’abîme pas dans le racisme, la détestation, le chacun pour soi».
«La France a rendez-vous avec ses valeurs et son destin, j’ai confiance en vous et j’ai confiance en nous», a asséné M.Attal.
Thierry Beaudet, le président du Conseil économique, social et environnemental, troisième chambre de la République avec l’Assemblée nationale et le Sénat, a estimé que la dissolution surprise décidée par Emmanuel Macron au soir des européennes avait plongé le pays «dans une crise politique et démocratique sans précédent».
En «trois semaines, aucune formation politique ne peut écouter les souffrances et les aspirations citoyennes, en déduire un projet solide, le confronter à ceux de ses rivaux, le verser dans le débat public, composer une liste de 577 candidats sérieux et préparés», a-t-il déploré.
À l’étranger, le scrutin suscite aussi des inquiétudes.
«Après les élections, nous verrons comment nos relations évoluent», a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Hebestreit. Tout en qualifiant la France de «partenaire le plus important et le plus proche en Europe» pour l’Allemagne.